La résistance à la vaccination : Un défi pour la prévention
I. Présentation par Stéphanie Pistre, coordinatrice de l’Association des Acteurs de la Prévention
Face à la pandémie de COVID-19 qui fêtera bientôt ses un an, les épidémiologistes ont démontré́ que le retour à une vie normale pourrait être envisagé si l’immunité́ collective est atteinte, notamment grâce à un taux de vaccination d’au moins 70% des français. Néanmoins, comme le montrent les plus récents sondages, la population demeure divisée. Ainsi, selon l’enquête ELABE pour BFM TV du 13 Janvier 2021, 47% des français veulent être vaccinés, face à ceux qui ne veulent pas (40%) et aux hésitants (13%). Comment une telle défiance s’est-elle installée dans la patrie de Pasteur ? Comment expliquer le mouvement mondial anti-vax ? Ce débat, loin d’être inédit, avait déjà̀ eu lieu dans le contexte de la loi relative à la vaccination obligatoire en 2018. Grace à nos intervenants, qu’ils soient professionnels de santé́, élus ou spécialistes des mouvements sectaires nous nous attacherons à identifier et à appréhender les causes de la défiance, et quelles solutions pour mieux expliquer les enjeux des vaccins. Et face à la recrudescence d’épidémies et au retour de maladies disparues qui tuent, comme la rougeole, comment démontrer le bénéfice de la vaccination et de l’associer à la « sortie de crise » et à une société́ plus résiliente ?
Pour répondre à ces questions, nous avons eu la chance d’accueillir plusieurs intervenants :
- Madame Anne-Marie Courage, Conseillère à la Mission Interministérielle de vigilances et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) instituée par le Premier Ministre
- Monsieur le Professeur Pascal Astagneau, Infectiologue et Épidémiologue, professeur de santé publique à la Faculté de Médecine Pierre-et-Marie Curie, Directeur du centre de prévention des infections associées aux soins d’Ile-de-France (AP-HP)
- Monsieur Lucas de Villepin, Journaliste et rédacteur I24 news, chaîne de télévision d’information en continu internationale israélienne
II. Intervention de Madame Anne-Marie Courage
1.Présentation de MIVILUDES
Madame Anne-Marie Courage a présenté la mission interministérielle MIVILUDES, instituée par le Premier Ministre. Il s’agit d’une mission visant à lutter contre la délinquance et la radicalisation, et de lutter contre les groupes sectaires susceptibles de commettre des abus de faiblesse à l’égard de personnes. Les axes de travail de la mission sont :
- La prévention des risques d’endoctrinement
- La coopération de l’action publique pour lutter contre les dérives sectaires pouvant porter atteinte à la dignité de la personne
2. La lutte contre l’hésitation vaccinale ou la résistance à la vaccination
Anne-Marie Courage a tenu à rappeler que la crise sanitaire était propice au développement de théories complotistes en raison de son caractère de crise économique et de crise sociale. En effet, face à cette situation inédite, certains groupes ressentent un « besoin d’explication », un « besoin d’interprétation » et vont ainsi se tourner vers des explications simples et intelligibles. Face à ces groupes, il faut s’interroger quant à « la pandémie de la désinformation », exacerbée par les biais de confirmation sur internet et les réseaux sociaux. Le véritable enjeu est de faire le tri entre les vraies informations et les fausses informations qui noient la parole des experts. Les mouvements anti-vax doivent être limités, afin que la « désinformation » ne bascule pas vers la croyance.
III. Intervention du Professeur Pascal Astagneau
1.Rappels indicateurs sur la pandémie
- Le nombre de reproduction naturelle (RO) est de 3 : Pour une personne infectée, trois personnes sont contaminées en moyenne. Cependant, on ne sait pas si ce chiffre est toujours valable en raison de la propagation de « variants ».
- Les porteurs asymptomatiques sont entre 30 et 50%
- 15% de la population serait immunisée à l’heure actuelle. Cependant, on ne sait pas combien de temps nous sommes immunisés.
- La létalité du virus varie en fonction de l’âge et des facteurs de comorbidité
- Le virus peut être responsable de séquelles sur le moyen et sur le long terme : psychomotrices, asthénie chronique (perte d’odorat) / agueusie (perte de goût)
2. La résistance à la vaccination
Sur les vaccins, le Professeur Astagneau a rappelé qu’il y avait plusieurs vaccins à l’œuvre aujourd’hui dans le monde : Pfizer BioNtech, Moderna, Astra Zeneca… Cependant, nous manquons de données quant à l’impact du vaccin sur la circulation du virus. La France est très en retard sur sa campagne de vaccination, bien que 60% des personnes en EHPAD soient vaccinés. En effet, les vaccins Pfizer et Moderna sont difficiles à conserver et ainsi représentent un enjeu logistique. Le Professeur nous ensuite parlé du taux d’acceptabilité du vaccin chez les professionnels de santé, mais aussi au sein de la population. Il semblerait que les infirmiers soient plus hésitants face à la vaccination que les médecins. Parmi les facteurs de refus on retrouve des arguments classiques : Le manque d’information sur le vaccin, la crainte des effets secondaires, les stratégies d’influence des laboratoires. Quant aux raisons de l’acceptation, les soignants souhaitent protéger leurs collègues et se protéger eux-mêmes.
Les Français, sur un panel de 1942 personnes de 18-64, sont 28.8% à ne pas vouloir se faire vacciner. Le refus est plus élevé chez les femmes. Les français affirment qu’une campagne de vaccination positive serait mieux acceptée. Le professeur a ensuite évoqué le sujet du passeport vaccinal. La question est intéressante mais semble être prématurée en France, bien qu’au Danemark un dispositif similaire ait été mis en œuvre. En effet, il existe des incertitudes face à l’efficacité du vaccin sur la circulation du virus.
IV. Intervention de Monsieur Lucas de Villepin, journaliste I24 news
Lucas de Villepin nous a ensuite fait part de la situation sanitaire en Israël, pays très avancé quant à sa stratégie vaccinale.
1.Campagne de vaccination en Israël
La campagne de vaccination a commencé dès le mois de décembre en Israël. 47% d’israéliens auraient reçu la première dose du vaccin Pfizer/Moderna tandis que 30% auraient reçu les deux doses. Israël est donc un des pays, avec les Émirats Arabes Unis, les plus avancés sur le plan de la vaccination.
Les autorités publiques sont très engagées sur la vaccination. Il n’y a pas de problème d’approvisionnement, et le premier ministre Benyamin Netanyahou, qui a une relation personnelle avec le PDG de Pfizer, a réussi à négocier un accord, qui est d’ailleurs disponible sur Internet. Les autorités publiques sont particulièrement incitatives : un SMS de l’Assurance Maladie rappelle aux citoyens de se faire vacciner.
L’objectif du gouvernement est d’atteindre l’immunité collective fin mars, ce qui paraît être une promesse ambitieuse. Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’une promesse de campagne à l’approche des élections législatives.
2. L’hésitation vaccinale en Israël
Les jeunes sont parfois réticents pour se faire vacciner, s’estimant parfois peu ou pas concernés par la maladie. Les autorités publiques tentent d’inciter les jeunes à se faire vacciner grâce à l’argument du « retour à la vie normale », et à la promesse de réouverture des lieux de vie (salles de sport, salles de concert etc).
Par ailleurs, les arabes israéliens, qui représentent 20% de la population israélienne, sont généralement méfiants vis-à-vis des autorités publiques et par conséquent sont susceptibles d’être plus réticents pour se faire vacciner.
Enfin, les ultra-orthodoxes représentent entre 12 et 15% de la population et sont également plutôt réticents. Comme le rappelle Lucas de Villepin, ces groupes sont « un Etat dans l’Etat », ils n’obéissent qu’au rabbin, pas à la loi et à l’Etat.
Face à ces groupes, les autorités ont mis en place des initiatives originales pour inciter à la vaccination :
- Dans le quartier arabe de Jaffa à Tel-Aviv, on propose du Houmous et du Knafé à toutes les personnes qui souhaitent se faire vacciner.
- On propose également des distributions de pizza gratuites pour les personnes qui souhaitent se faire vacciner.
Cependant, ce mouvement « anti-vaccin » demeure marginal, et n’est pas un mouvement structuré.
3. Mise en place d’un passeport « vert » (passeport sanitaire) dès le dimanche 21 février 2021
Le gouvernement a, par décret, décidé de la mise en place d’un passeport vert. Sa présentation serait obligatoire pour avoir accès à certains lieux comme des salles de cinéma, des restaurants, des bars. Cependant, des questions de logistique se posent : des restaurants pourront-ils refuser l’accès à des clients qui ne souhaitaient pas se faire vacciner ?
Par ailleurs, la prise de cette décision par décret pourrait être contestée et susceptible d’être cassée par la Cour suprême israélienne. Affaire à suivre.
V. Conclusion de Stéphanie Pistre : Remerciements et questions
Stéphanie Pistre a rappelé qu’un groupe de travail issu des Acteurs de la Prévention a décidé de créer un collectif/une task-force intitulée Safe Parti pour permettre d’accueillir celles et ceux qui veulent se mobiliser pour la prévention, dans un contexte de pandémie.
Pour télécharger le compte-rendu officiel, Cliquez-ici
Compte-rendu du rendez-vous connecté du mercredi 17 février 2021, rédigé par Julia Ghrenassia
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