Philippe Berta (MODEM) est député du Gard et membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Titulaire
d’un doctorat de biochimie et pharmacologie, il est chercheur au CNRS puis directeur de recherche à l’INSERM. Dans cette interview, le Professeur Philippe Berta décrit son parcours, analyse ensuite les enjeux de la loi de programmation de recherche et fait référence à l’absence d’un budget de la prévention.
Stéphanie PISTRE : Bonjour Monsieur le Député, et merci d’avoir accepté cet entretien avec les Acteurs de la Prévention. Pour commencer, si vous pouvez nous présenter votre parcours.
Philippe BERTA : J’ai suivi le parcours classique d’un étudiant scientifique. Ensuite, je suis parti faire une thèse en biochimie-moléculaire. Chercheur au CNRS, je suis devenu directeur de recherche à l’INSERM. J’ai pu participer activement à une découverte dans le domaine génétique, celle du gène de la détermination sexuelle masculine, à savoir pourquoi naissons-nous garçon ou pourquoi naissons-nous fille ? Cette découverte m’a permis de créer une équipe de recherche dédiée au CNRS. Je suis également devenu Professeur des Universités à l’Université de Montpellier, puis j’ai dirigé et obtenu l’autonomie de l’Université de Nîmes.
J’ai toujours été fasciné par la culture scientifique et technologique. J’ai ainsi créé la première école d’ADN européenne, et ai également fait du bénévolat autour de la valorisation des travaux de la recherche dans le monde de la santé. Actuellement, je dirige toujours une licence dans le domaine des sciences de la vie et depuis dix ans un master dans le domaine de la santé.
Je suis également député depuis quatre ans, spécialisé sur les sujets de l’enseignement supérieur, de la culture scientifique, de la bioéthique, la recherche et les maladies rares. En effet, le thème des maladies rares est crucial dans un pays comme la France, qui a certainement été le pays le plus organisé, mais qui a perdu sa place de leader. L’enjeu aujourd’hui est de trouver un modèle économique adapté à ces thérapies ciblées/personnalisées qui représentent un coût pharamineux.
S.P. : Vous êtes d’ailleurs à l’origine de la loi de programmation de recherche, une loi éminemment importante, est-ce que selon vous les gens en parlent assez , ou sont suffisamment informés sur le sujet ?
P.B. : En amont de la loi de programmation, j’ai co-présidé l’un des trois groupes de travail qui ont contribué à son élaboration par leurs recommandations. Par la suite, à l’Assemblée nationale, j’ai été nommé rapporteur de ce projet de loi, mon rôle étant de veiller à défendre le projet mais aussi à contribuer à son amélioration. Avant cette initiative législative, la dernière personne à avoir parlé de recherche est Jean-Pierre Chevènement dans les années 1980. Depuis, on parle des moyens affectés à la recherche : moyens humains, salariaux et les moyens matériels, en dégringolade constante malgré les appels à fonder une « économie de la connaissance ».
La ministre propose une remise à flot, qui est nécessaire, mais ce n’est selon moi pas encore suffisant. Elle présente tout de même des avantages, celui de fixer un budget de la recherche pour dix ans et ainsi d’impliquer le prochain gouvernement. Cependant, malgré ce coup de boost, les chercheurs ne percevront pas une grande différence en terme salarial. En outre, la communication a été plutôt mauvaise autour de cette loi, cela n’a pas intéressé grand monde, y compris des journalistes. Le problème est plus global, il y a finalement une culture scientifique assez faible en France.
S.P. : Ne pensez-vous pas également que les scientifiques ont un rôle à jouer dans cette communication ?
P.B. : En effet, les scientifiques ne sont pas de grands communicants et il est primordial que cela change. Peut-être qu’une meilleure culture scientifique et technologique française aurait laissé moins de place aux fake news pendant la crise sanitaire…
S.P. : Justement parlons de la crise sanitaire. Imaginons que cette loi ait été votée trois ans auparavant, qu’est-ce que cela aurait changé ?
P.B. : Des chercheurs au CNRS s’étaient déjà intéressés à l’étude des coronavirus dès le début des années 2000. Cette équipe avait demandé à l’époque une aide financière de l’Agence Nationale de Recherche. Cependant, l’étude nécessitait un travail de très longue haleine. Au moment où l’équipe a demandé une nouvelle aide à l’ANR, cela a été impossible vu son budget très limité. L’équipe n’a donc pas pu mener son étude jusqu’au bout. Aujourd’hui, un antiviral est en phase clinique pour lutter contre le coronavirus. Or, la partie du virus concernée est commune à l’ensemble des coronavirus. La gestion de la pandémie aurait donc été peut-être différente avec un budget plus important accordé à la recherche.
S.P. : Parlons également de la prévention qui n’a pas du budget dédié aujourd’hui, or elle est la porte ouverte pour prévenir les pathologies génétiques.
P.B. : Tout d’abord, je tiens à rappeler que la prévention fait partie avant tout des missions du Ministère de la Santé, et pas celui de l’Enseignement et de la Recherche. Je pense qu’il faut tenir compte du temps long, et de la nécessité de réaliser un financement de la recherche qui soit le plus transversal possible. Une découverte va avoir des retentissements sur un ensemble de domaines.
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