La France est certes la terre natale de Louis Pasteur et de Gaston Ramon, mais elle est également le terreau de puissants mouvements antivaccins qui vont jusqu’à remettre en question l’utilité même de la vaccination. La décision du gouvernement de rendre 11 vaccins obligatoires en ce début d’année n’a d’ailleurs pas manqué d’entraîner une levée de boucliers. Comment expliquer cette défiance de la population française ? Est-elle justifiée ? C’est à ces questions complexes que le Club Acteurs de la Prévention s’est attaqué lors de son déjeuner du 21 mars, pour sa deuxième rencontre de l’année 2018.
La prévention, dont fait partie la vaccination, demande l’implication du patient – que ce soit par le biais de nouvelles technologies ou par son association au parcours de soin. Expliquer en évitant de sanctionner : c’est sur ce point que le député de Moselle et médecin, Monsieur Brahim Hammouche, qui présidait la rencontre, a insisté en soulignant avec vigueur qu’il ne s’agit plus aujourd’hui de « prescrire de manière autoritaire et magistrale quelque traitement que ce soit ». Sans pour autant oublier de rappeler que la vaccination est un acte civique, qui sert à se protéger soi, son enfant, mais aussi les autres.
Un acte civique et surtout efficace, ce que le Professeur Pascal Astagneau, médecin et professeur de santé publique à la faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, démontre en s’appuyant sur l’histoire du vaccin. A titre d’exemple, la variole, ou « petite vérole », qui provoquait des dizaines de milliers de morts par an en Europe et qui a été déclarée éradiquée en 1977 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
C’est ce genre de succès qui rend d’autant plus incompréhensible que la France présente un des taux de couverture vaccinale les plus faibles au monde. En effet, le Professeur Astagneau explique que « l’objectif pour toutes les vaccinations, c’est 95% ». Or, aujourd’hui « on voit qu’on est pratiquement en dessous pour presque tous les vaccins ». Pour la vaccination rougeole-oreillons-rubéole, on est à moins de 90% pour les enfants de 24 mois. Pour l’hépatite B, moins de 80% et 70% pour le méningocoque C. Des chiffres qui représentent des éléments majeurs de l’argumentation pour les vaccins obligatoires. Certes, les vaccins ont comme tout médicament des effets secondaires, cependant les manifestations post-vaccinales graves restent extrêmement rares. Les maladies contre lesquelles ils protègent sont quant à elles particulièrement dangereuses. Que ce soit pour prévenir la tuberculose, qui résiste de plus en plus aux traitements antibiotiques, ou de la rougeole, maladie considérée comme bénigne par une majorité de la population alors même qu’elle peut entraîner pneumonies et encéphalites mortelles, l’importance de la vaccination ne peut plus être mise en doute. Comment comprendre alors le règne de l’hésitation vaccinale ? Selon le Professeur Astagneau, il y a d’abord un « vrai problème d’éducation, un vrai problème de communication » sur la question. On peut d’ailleurs citer la confusion qui a été créée par la décision de différencier obligation et recommandation dans le calendrier vaccinal. En outre, s’il est clair pour lui que les médecins doivent tenter de combler ce manque d’information, il reste que le temps nécessaire pour convaincre un patient du bien-fondé de la vaccination, un exercice qui peut facilement prendre une heure, se révèle rédhibitoire pour nombre d’entre eux.
Pour Bruno Donini, responsable Affaires Publiques chez Sanofi Pasteur, l’hésitation vaccinale est aussi due aux fréquentes crises médiatiques, qui se sont fait le relais d’études scientifiques douteuses suggérant un lien entre vaccin contre la rougeole et autisme, entre vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques.des croyances qui, pour diverses raisons, résistent au manque de preuves scientifiques. Par exemple, l’étude qui suggérait un lien entre vaccin contre la rougeole et autisme a beau avoir été démontrée inexacte et son auteur radié de l’Ordre des médecins anglais, son impact alimente une défiance vis à vis du vaccin qui a pour conséquence la persistance de fréquentes épidémies de rougeole en Angleterre. Un autre problème qui participe à la défiance des Français envers les vaccins est celui des ruptures de stock. Il est en effet parfois complexe d’en expliquer les multiples causes, telles que : la variabilité biologique des vaccins, le temps de production (de 6 à 36 mois), leur faible rentabilité et donc le manque de producteurs, les augmentations massives de la demande.
Comme le souligne Monsieur Donini, il est difficile de lutter contre les idées fausses, et c’est bien pour cela qu’à ses yeux, « l’obligation vaccinale est une décision forte, qui va falloir assumer, mais qui est un vrai cap pour les années à venir ».
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